29 août 2017

Déclin du rationalisme aux États-Unis

Image: courtoisie Pixabay CCO

Au pays des merveilles - Comment l'Amérique s'est détraquée: 500 ans d'histoire  - est ma traduction libre du livre de Kurt Andersen à paraître en septembre 2017- Fantasyland : How America Went Haywire: A 500-Year History (Random House - Amazon).

L'élection de Donald Trump révèle qu'une masse critique d'Américains est devenue complètement détachée de la réalité. Comment est-ce arrivé ? Comment l'expliquer ? Pourquoi la subjectivité prime presque entièrement sur l'objectivité ? L'irrationnel sur le rationnel ? Pourquoi les opinions et les sentiments peuvent-ils aujourd'hui remplacer les faits ?

L'approche sociologique et historique d'Andersen - qui a commencé à écrire son essai il y a près de quatre ans, soit bien avant l'élection de Trump, et même avant qu'apparaissent les termes "post-vérité", "faits alternatifs" ou autre "post-factuel" - lui permet de remonter dans le temps pour tenter de comprendre l'exceptionnalisme américain.



Du complexe militaro-industriel au complexe fantatisco-industriel...

Ce qui se passe aux États-Unis, selon Andersen, serait une extrapolation aigüe et l'expression d'états d'esprit (mind-sets) remontant aux pères pèlerins

Les États-Unis ont été créés certes par des rêveurs et des passionnées mais également par des bonimenteurs et des gens susceptibles de croire à peu près n'importe quoi et n'importe qui; des sorcières de Salem à Joseph Smith et ses Mormons en passant par la Scientologie, de Walt Disney aux grandes théories du complot, et de Ronald Reagan à Oprah Winfrey. 

Mélanger l'individualisme épique à l'extrémisme religieux et à la quête de richesse, saupoudrer le tout avec le show-business; laisser mijoter pendant deux siècles et passer à la tamise des années 60 où "tout était possible et imaginable" et faire fondre le tout dans Internet et les médias sociaux. Voilà! Réalité et fantasmagorie se côtoient et deviennent parfois indiscernables... L'incroyable devient crédible et le crédible...incroyable !


Les années 60 et le déclin de la raison

Malgré ses progrès et son grand bourdonnement social et culturel, les années 60 marquent le début du doute et de la suspicion envers la science et la raison, ne serait-ce qu'avec la fondation de l'Institut Esalen. L'Institut devient le grand centre pour des gens qui ne sont pas attirés par la religion institutionnelle mais qui veulent croire en quelque chose de surnaturel... C'est le début d'une époque qu'on a surnommé le New Age et les répercussions se sont fait sentir en psychologie, en médecine et même en philosophie.  

Il ne faut sans doute pas repousser tout du revers de la main, mais c'était l'époque de la révolution sexuelle, de la consommation de drogues telles que le LSD, d'une quête de transcendance et de percée de la conscience... Il fallait retrouver son moi et son corps, par le massage, les bains chauds, le sexe, etc... En fait, les thérapies alternatives étaient en vogue pour comprendre la réalité, surtout si elles avaient une quelconque origine asiatique, hindoue, amérindienne ou de traditions chamaniques... Beaucoup d'exotisme mais très peu de science.

Andersen rappelle même que l'Institut Esalen faisait sienne la notion que les psychoses ou autres maladies mentales n'étaient en fait que des étiquettes imposées par les conservateurs pour dénoncer les excentriques; qu'elles n'étaient que des outils de coercition et de contrôle (avec un Thomas Szasz et son "la maladie mentale est une théorie et non un fait"); la folie était une façon alternative de percevoir la réalité... 

Ce type d'approche aurait rendu plus respectable et populaire l'idée que "la science" est un vaste complot concocté par des conspirateurs despotiques visant à exploiter le monde. C'est l'argument massue (et quasi universel) utilisé par ceux qui préfèrent mépriser la science, l'expertise, les universitaires et autres "élites" au profit de leurs propres croyances : des créationnistes aux "hystériques anti-vaccins " et autres climato-sceptiques...

La paranoïa des années 70

À la fois la gauche et la droite américaine - qu'il s'agisse de mouvements comme la Students for a Democratic Society ou la John Birch Society - ont proposé des histoires de conspiration généralement assez loufoques. L'assassinat du président Kennedy en 1963 a fait germé une armée de conspirationnistes (et produit aussi quelques bons livres et films...).

Autre exemple, la croyance que le gouvernement fédéral américain planifiait secrètement des camps de détention pour tous dissidents est apparue d'abord à gauche avant de devenir une idée quasi fixe à droite. 

Andersen rappelle aussi que le phénomène sans précédent des objets volants non-identifiés (OVNI) n'étaient pas dû à la présence d'extra-terrestres mais plutôt de la crédulité symptomatique et de la "pensée magique" des Américains. Même le président Jimmy Carter avouait avoir vu un tel engin...(ici).

Les années 80 et le "brouillard de la subjectivité"

Même le relativisme a affecté le monde universitaire et intellectuel. À tel point qu'après les années 60, la vérité était devenue... relative ! Critiquer était la même chose que victimiser, les libertés individuelles devaient être absolues et tout le monde pouvait croire - ou non - ce qu'il ou elle voulait bien croire.

Par ailleurs, il faut bien noter que la fin des années 80 marque aux États-Unis la fin du principe d'impartialité dans les médias (Fairness Doctrine). Depuis 1949, les médias ne pouvaient pencher idéologiquement d'un côté ou de l'autre. À travers la majeure partie du XXe siècle, les médias avaient donc une obligation de présenter une "approximation" de la vérité plutôt que d'une vérité - et certainement aucune fiction... 

L'internet aurait sans doute fini par changer tout cela aussi mais il y a eu au moins une bonne dizaine d'années, sinon plus, pour que les commentateurs (de droite surtout) s'en donnent à coeur joie et colportent toutes sortes de faussetés. C'était le prix à payer pour une plus grande liberté...


C'est sans doute aussi ce qui a incité le sénateur Daniel Patrick Moynihan à lancer son célèbre aphorisme : "tout le monde a le droit d'avoir sa propre opinion, mais pas ses propres faits".

Est-ce pour cela que Trump se méfie des experts car ils interfèrent avec son droit absolue de croire ou de prétendre que les fictions sont des faits ?


On peut être d'accord ou non avec l'analyse d'Andersen. Par contre, elle est appuyée de nombreux exemples et faits reconnus qui nous incitent à réfléchir sur l'avenir de l'État américain. 

Le déclin est-il irréversible ? 

Pour obtenir une meilleure idée de son essai, lire des extraits offerts dans le revue The Atlantic de septembre 2017.

L'entrevue ci-dessous accordée à Jeffrey Goldberg vaut aussi la peine d'être écoutée.




Merci de votre lecture !

Patrice Leroux

10 août 2017

Un mandat en gestion appliquée à la police et à la sécurité

Image: courtoisie de Pixabay/CCO

La grande surprise de l'été ? On m'a confié le mandat de gérer le Certificat en gestion appliquée à la police et à la sécurité.

N'ayez crainte, je conserve toujours mes deux autres programmes: communication appliquée et relations publiques

La décision facultaire a été prise d'abord par un souci d'équité par rapport au nombre d'étudiants, de cours à programmer et d'enseignants à embaucher - entre autres - parmi les responsables de programmes.  Je suis passablement à l'aise avec cette décision.

Depuis le départ à la retraite de notre collègue Luc Hébert, c'est la responsable du certificat de criminologie et de celui en victimologie qui avait pris la relève. Ces derniers programmes comptent des centaines d'étudiants et la tâche demeure lourde.

Bien entendu, il y a davantage d'affinités entre la criminologie et la gestion appliquée à la police et à la sécurité qu'avec les relations publiques et la communication. 

Toutefois, et bien que la courbe d'apprentissage reste assez ardue en ce qui me concerne, cela n'est pas insurmontable non plus. C'est surtout en matière de contenus que le défi se pose.

Destiné à l'origine au personnel des corps policiers (tels que des patrouilleurs visant des postes de gestion), le certificat s'est ouvert peu à peu à d'autres types de personnel en sécurité : agents de douane ou de sécurité (transport de devises, aéroport, transport en commun, etc.) et corps de l'armée.

Il faut surtout retenir que ce programme est un des premiers de notre faculté à avoir été développé par le biais d'une approche par compétences. 

Il jouit de liens solides avec l'École nationale de police du Québec, le baccalauréat en sécurité publique de l'UQTR et bien entendu, avec l'École de criminologie de l'Université de Montréal.

Le programme repose sur le concept de sécurité intérieure; c'est à dire l'ensemble des stratégies, tactiques et moyens que les autorités, aussi bien publiques que privées, peuvent mettre en oeuvre pour prévenir les risques, les dangers et les diverses formes de criminalité, et bien sûr, pour s'en protéger.

Ce certificat peut donc faire partie d'un objectif d'avancement professionnel tant dans le milieu de la sécurité privée que dans le domaine policier.

Éventuellement, avec un projet de développement de programme lié au renseignement et à l'enquête, il se pourrait qu'un véritable expert en contenus retrouve les rênes du certificat...

Mais en attendant, on devra tous composer avec la situation et il s'agit sans aucun doute d'un risque calculé... mais faible. 

Je compte bien m'acquitter de cette nouvelle tâche avec rigueur et professionnalisme... et avec les moyens dont je dispose !

Merci de votre lecture !

;-)

Patrice Leroux


 
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