5 janvier 2014

Taux de diplomation: toutes nos excuses...


L'enjeu de la persévérance au premier cycle universitaire est fondamental; il revient toujours, bon an mal an, dans l'actualité.

Le quotidien La Presse annonçait, le 3 janvier 2014, que le taux d'obtention d'un diplôme chez les étudiants de l'Université Concordia (cohorte de 2006) frisait à peine les 50%. (Cet article n'est pas disponible en ligne au moment de la rédaction de ce billet).

Comparé à l'UQAM (68%), à l'UdeM (78%) et à McGill (84%), le pourcentage de Concordia étonne vivement. 

Que se passe-t-il ? Des intervenants cités dans l'article mentionnent quelques facteurs exogènes: conciliation travail-études et problème d'intégration (dans le cas de certains étudiants internationaux, assez nombreux à Concordia). 

On semble être d'accord sur un autre fait : les études supérieures ne semblent plus aussi prioritaires qu'auparavant. Les besoins financiers et le maintien d'activités sociales des étudiants seraient encore plus importants que leurs études...

Or, voilà que La Presse précise, le lendemain, que son interprétation est bancale; elle s'excuse en soulignant que ses statistiques comparaissaient des cohortes d'étudiants à temps plein au taux de diplomation d'étudiants à temps partiel... 

Concordia a aussi jugé bon d'apporter une précision en rectifiant les chiffres (ici). Son taux de diplomation serait plutôt de l'ordre de 75%.

Malgré ce genre d'interprétation erronée, il y aurait encore des problèmes assez graves de persévérance (ou d'attrition - abandon -, c'est selon) dans certains programmes universitaires du Québec. 

On en attribue encore les raisons sur la très grande accessibilité au système québécois, à la faiblesse des droits de scolarité ainsi qu'à une aide financière bien généreuse. 

C'est l'avis de nombreux interlocuteurs dont Robert Gagné, du Centre sur la productivité et la prospérité de HEC-Montréal, pour qui le système devient un "cocktail explosif" [...] favorisant "un magasinage au premier cycle universitaire qui est coûteux en temps et en argent" (ici).

Ce type d'arguments n'est sans doute pas entièrement faux ou injuste (dans certains cas). J'ai quand même été un témoin assez privilégié de l'évolution de plusieurs cohortes étudiantes au cours des dernières 25 années pour le savoir, dont 15 comme chargé de cours...

Cependant, je crois qu'il y aussi un retard pédagogique des enseignants qui a poussé les étudiants - malgré eux - à ne plus suivre avec autant de sérieux leurs études. Les étudiants s'ennuieraient-ils dans les cours de type magistral ou frontal ? 

Peut-on vraiment expliquer le taux d'attrition élevé que par des raisons, disons systémiques, et a fortiori à l'avantage apparent des étudiants du Québec ?

On n'entend peu parler de pédagogie innovante; on met plutôt l'accent sur des technologies numériques, sur la formation à distance ou même encore sur des moocs. Comme si la technologie à elle seule pouvait tout régler...

Je le soulignais en 2012; quel est l'intérêt de transmettre des savoirs formatés en PowerPoint dans une société où la connaissance double tous les deux ans et où l'information est disponible de manière continue pour tous (ou presque) ? 

Comment se démarquer quand nos propres étudiants ont eux-mêmes adopté non seulement des outils, mais également des stratégies de collaboration, de partage et de communication qui dépassent nos propres compétences ?

Pour expliquer les taux d'attrition assez élevés, il n'y a pas que La Presse qui doive s'excuser pour ses interprétations erronées...

Merci de votre lecture.

Patrice Leroux

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