22 avril 2013

Paul Holmes: gestion de la réputation et médias sociaux




L'occasion était propice et servait une bonne cause: celle d'aider financièrement Relations publiques sans frontières (RPSF), un organisme humanitaire dont l'action porte sur la planification et la réalisation d'outils de communication. 

De quoi s'agit-il ? D'une conférence de Paul Holmes intitulée Managing Global Reputation in the Social Media Age, présentée à Montréal le vendredi 19 avril 2013 dans le cadre du Luc Beauregard Centre of Excellence in Communications Research de la John Molson School of Business.

M. Holmes est un commentateur aguerri du domaine des relations publiques, en Angleterre et aux États-Unis, notamment, mais aussi un peu partout dans le monde. Depuis l'an 2000, Holmes a su développer une très belle niche avec son Holmes Report : études de cas, recherches, analyses et reconnaissances diverses dont ses Sabre Awards.

Rien de très nouveau ou de particulièrement remarquable

Holmes a, bien entendu, rappelé que les médias sociaux modifiaient la donne, particulièrement en matière de pouvoir, d'attentes des publics et de transparence. Les nouveaux écosystèmes d'information et de communication rendent les entreprises beaucoup plus perméables et vulnérables qu'auparavant, notamment en matière de réputation. Rien de nouveau ici...

Holmes a souligné, entre autres, la réputation amochée de Starbucks au Royaume-Uni à cause d'un échappatoire fiscal; une partie de la population - ou peut-être même un groupe d'intérêt particulier - l'aurait très mal avalé..

À l'inverse, la responsabilité sociale d'une entreprise comme Rio Tinto se serait grandement appréciée, avec ce grand projet d'exploitation de cuivre et d'or en Mongolie. NDR: certains prétendent le contraire ici.

Quoi qu'il en soit, toujours selon Holmes, les praticiens des relations publiques se doivent d'améliorer leurs connaissances et habiletés en gestion de risques et en gestion de la réputation. On est tous d'accord sur ce point.

Une présence plus forte au sein des conseils d'administration ?

Voilà bien un vœu (pieux ?) qui existe depuis des décennies: celui d'être à la même table que les grands administrateurs. Avouons que cela demeure plutôt rare, encore en 2013. 

Elles sont encore trop peu nombreuses les entreprises qui demandent conseil en communications ou en relations publiques en amont d'une décision ou d'une action importante.  Les actions de communication se passent le plus souvent en aval, c'est à dire une fois que la décision a été prise et qu'un problème surgit. C'est classique ! 

Selon Holmes, si les services légaux et même le secteur névralgique des opérations ont très souvent leur mot à dire (voire même un certain droit de veto) quant aux communications de l'entreprise, l'inverse devrait s'avérer aussi. Les conseillers en relations publiques devraient ainsi avoir leur propre mot à dire sur tout ce qui est susceptible d'avoir un impact sur la réputation, y compris jusqu'au design de certains produits. C'est bien ce qu'il a dit !

Cette vision me semble bien utopique : " Madame l'ingénieure, le fil W3415 est trop près du fil B2540, il y a un danger de court-circuit et même d'incendie ! Avez-vous songé au risque que cela peut faire porter à la réputation de la compagnie ? Monsieur le président, la réputation de l'entreprise court un danger certain si le public - et les autorités gouvernementales- apprenaient que des pots-de-vin ont été versés à des fonctionnaires étrangers pour nous assurer l'obtention du contrat d'un milliard..." .

Dans cette optique, il faut lire:

Boeing Has an Airplane Problem, not a PR Problem (Jonathan Salem Baskin)
http://www.forbes.com/sites/jonathansalembaskin/2013/01/10/boeing-has-an-airplane-problem-not-a-pr-problem/

Social Media Doesn't Create a Crisis- Companies do (Danny Brown)
http://dannybrown.me/2013/04/09/social-media-doesnt-create-a-crisis-companies-do/

Facétie à part, je comprends bien que les praticiens des relations publiques devraient jouer un rôle stratégique plus important, mais il ne faudrait quand même pas pousser trop fort sur le bouchon. Dans les faits, il y a une limite réelle à l'apport des communications (surtout externes) dans les entreprises.

En reconnaissant toutefois que les relations publiques ne peuvent devenir à elles seules la "conscience" de l'organisation, Holmes lance par contre qu'elles seraient en mesure de la diriger vers de meilleures pratiques d'affaires (pointing towards sound business reasons). Rien de moins ! De plus, les relations publiques seraient en mesure d'offrir plus généreusement leur empathie, ce qui ferait cruellement défaut au monde des affaires...

La présence des relations publiques dans les écoles de gestion et de commerce

La présence de cours en relations publiques dans les écoles de gestion et de commerce semblent encore assez négligeable. C'est d'autant plus dommage que la réputation devient aujourd'hui un des actifs les plus importants des entreprises (voir ce document du CIRANO en pdf).

Le plus curieux, c'est que plusieurs semblent encore penser que l'endroit tout indiqué pour former les futurs spécialistes des relations publiques sont les écoles de gestion. J'en doute énormément et reprendrais volontiers les arguments de 2006 du professeur Bill Sledzic de Kent University : History placed PR education in journalism school; some of us think it still works. C'est encore plus vrai aujourd'hui qu'en 2006...

Les véritables problèmes éthiques se trouvent où ? En relations publiques ou en management ?

Le "buzz" depuis quelques temps, en relations publiques, et même quand on parle de formation concerne la question de l'éthique. Je ne suis pas contre la vertu et il s'agit évidemment d'un enjeu crucial mais franchement, où se trouvent les problèmes éthiques les plus graves ?

Je mettrais bien au défi, par exemple, la Société canadienne des relations publiques - ou tout autre organisme de ce type - à divulguer le nombre de violations avérées (ou dénoncées) à son code d'éthique, et le nombre de sanctions (le cas échéant), au cours des dix dernières années ? 

Comparons les chiffres à ce qui se passe depuis 2008 dans le mondes des affaires, aux États-Unis, en Europe, au Canada et au Québec... (À tout hasard, un lien vers les travaux de la Commission Charbonneau !) Et pourquoi pas, un lien vers un de mes billets rédigé au début de 2011: Le lynchage des relations publiques. En rétrospective, il y a un rapport un peu troublant entre les deux....
 
Équivalences publicitaires ?

Vers la fin de sa conférence, Holmes nous a mis en garde contre les équivalences publicitaires ! Je ne sais pas exactement s'il s'adressait aux professionnels des communications ou aux gens d'affaires qui s'intéressent aux relations publiques, mais l'appui généralisé de la grande communauté des relations publiques envers la Déclaration de Barcelone semble lui avoir échappé...

Il suggère plutôt une mesure proposée par Bain & Company, le Net Promoter Score qui est ni plus ni moins une évaluation basée sur l'opinion positive, négative ou neutre de parties prenantes, arrangée à la sauce médias sociaux. Voici une explication en français de cette mesure.

Il va sans dire, la conférence m'a un peu déçu; je m'attendais à davantage au plan du contenu. Par contre, je suis ravi d'avoir pu appuyer financièrement Relations publiques sans frontières

Lors d'une prochaine conférence, je verrais d'un bon oeil un lien plus étroit entre les activités de RPSF et la conférence. Par exemple, pourquoi ne pas inviter les fondateurs de TOMS Shoes pour nous expliquer la nature et la portée de leur entreprise ?

Merci de votre lecture !

Patrice Leroux 




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