11 août 2014

Les Accords de Stockholm et les relations publiques (2 de 3)



Voici le deuxième texte d'une série de trois (1, 2, 3) à propos de grands principes et de normes d'évaluation en relations publiques: la Déclaration de Barcelone , les Accords de Stockholm et le Mandat de Melbourne . 

Les Accords de Stockholm

Les Accords de Stockholm sont entérinés le 12 juin 2010 – quelques semaines avant le dépôt de la version finale de la Déclaration de Barcelone - par des professionnels et universitaires des relations publiques représentant près de 32 pays, à l’occasion du World Public Relations Forum, sous l’égide de la Global Alliance for public relations and communication management

Les médias socio-numériques changent la donne

L’évolution et la propagation rapide des médias socio-numériques incitent les organisations à examiner de plus près l’ensemble de leurs actions, de leurs politiques - voire de leurs comportements - ainsi que les façons dont elles les communiquent. Un des objectifs consiste à améliorer les relations avec les parties prenantes, devenues encore plus actives et influentes. 

Si la Déclaration de Barcelone visait l’enjeu fondamental de la mesure et de l’évaluation, les Accords de Stockholm mettent l’accent sur trois grandes valeurs sociétales et organisationnelles, tout aussi importantes pour l’avenir des relations publiques : le développement durable, la gouvernance et la gestion.

Ces accords visent non seulement à affirmer le rôle et l’apport des relations publiques à la réussite organisationnelle mais à en susciter l’adhésion de la part de tous ses praticiens et enseignants. 

Le développement durable  

La pérennité et la durabilité des organisations reposent sur l’atteinte d’un équilibre entre les demandes du présent et celles du futur, tout en tenant compte des dimensions économique, sociale et environnementale. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) n’est plus une vue de l’esprit; les entreprises doivent rendre compte de leurs effets sur la société. 

Organisation communicante et reddition de compte

Dans cette optique, l’organisation communicante doit assumer un leadership en intégrant le développement durable à sa mission, voire à sa vision. Il s’agit, selon les experts, d’une occasion tout à fait unique permettant aux organisations de s’améliorer, d’une part, et d’autre part de contribuer à l’évolution de la société en optant pour une reddition de compte (source). 

Cette reddition de compte organisationnelle s’accompagne de rapports ponctuels faisant état des politiques, des actions, des réussites ou même des échecs au sujet de son triple bilan (en références aux trois dimensions mentionnées plus haut).

Associer les parties prenantes aux politiques de développement durable

C’est dans cette perspective que les professionnels en relations publiques doivent impliquer, voire associer les parties prenantes aux politiques et programmes organisationnels de développement durable. Dans la même veine, les professionnels doivent aussi pouvoir interpréter les attentes sociétales dans le but éventuel de pouvoir les transformer en engagements organisationnels. Enfin, toute discussion, participation et engagement doivent faire l’objet d’une communication transparente et authentique. 

Reporting intégré et relations publiques

Un des rédacteurs principaux des Accords de Stockholm,  l’Italien Toni Muzi Falconi, rapportait assez justement (ici)à quel point le Cadre de référence international sur le reporting intégré (source française en pdf) trouvait un écho favorable parmi les signataires des accords. 

Un rapport intégré, selon la vision du International Integrated Reporting Commitee, est une communication concise à propos d’une organisation. Le rapport doit répondre à la question suivante : en quoi sa stratégie, sa gouvernance, sa performance et ses perspectives, dans un contexte externe, peuvent-elles créer une valeur à court, à moyen et à  long terme ? 

En bout de ligne, ce reporting intégré vise à offrir une information complète au sujet de la performance totale d’une organisation. Cette vision se rapproche en effet de celle des Accords de Stockholm, à tel point que Muzi Falconi rapportait aussi que des pourparlers avaient eu lieu pour établir des relations entre l’International Integrated Report Council (IIRC) et la Global Alliance.

La gouvernance 

Il va sans dire que l’organisation qui exploite à bon escient un modèle de gouvernance des parties prenantes (stakeholder governance model) est en mesure d’habiliter les membres d’un Conseil d’administration, ses gestionnaires et bon nombre de publics externes, à déterminer, ensemble, les politiques gouvernant leurs relations (stakeholder relationship policies). 

C’est également dans cette optique que Muzi Falconi rappellera un autre événement important : le processus global du International Standards Organization (ISO) pour l’évaluation monétaire des intangibles, dont la marque plus spécifiquement (source). Ce processus souligne de façon explicite que toutes les parties prenantes doivent être inclues dans tout rapport d’évaluation.

Par ailleurs, l’organisation communicante doit pouvoir compter sur un accès à l’information et aux connaissances pour mieux comprendre les attentes des parties prenantes eu égard au triple bilan. Cet accès permet aussi d’identifier les enjeux, les occasions et les risques pouvant avoir un impact sur l’organisation.

Dans cette optique, les professionnels des relations publiques ont un rôle déterminant à jouer dans l’élaboration et la définition des valeurs, des principes, des politiques et des processus organisationnels. 

Ils doivent utiliser leurs habiletés et connaissances en recherche et en communication dans le but d’interpréter les attentes des parties prenantes et de la société en général, pour appuyer toute prise de décision de leurs dirigeants. 

Ce soutien ne peut se faire sans un modèle de gouvernance des parties prenantes basé sur la transparence et la confiance.  Pour y arriver, on prône une culture de l’écoute, un système ouvert permettant à l’organisation d’anticiper, de s’adapter et de répondre à tout enjeu émergent. 

La gestion 

Dans notre société en réseau, la qualité et l’efficacité d’une organisation sont souvent déterminées par la rapidité et le contexte de ses prises de décision. L’organisation communicante doit donc être gérée selon le principe qu’il est dans son propre intérêt de développer une sensibilité face aux besoins de ses 
parties prenantes ainsi qu’aux attentes de la société. 

Ce type de tâche exige, encore ici, des habiletés de recherche, d’écoute et de priorisation, entre autres, avant que des décisions opérationnelles et stratégiques ne soient prises. 

Dans cette optique, les professionnels des relations publiques ont pour tâche:
  • d’implanter des processus de communication bidirectionnelle; 
  • d’interpréter toute nouvelle information et connaissance sur des tendances et grands développements de la société; 
  • d’identifier et de résoudre toute problématique provenant de changements ou de points de rupture en société, particulièrement celle touchant la réputation organisationnelle et les relations avec les parties prenantes;
  • de communiquer la valeur des services ou des produits de l’organisation ainsi que ses relations avec ses parties prenantes, consolidant, de facto, son capital social, économique et juridique; bref, ce qui forme sa réputation.
Les Accords de Stockholm  présentent aussi la valeur opérationnelle des relations publiques sous deux angles distincts mais complémentaires : la communication interne et la communication externe.

La communication interne 

La communication interne permet de bonifier le recrutement, la rétention, le développement d’intérêts communs ainsi que l’engagement de divers publics internes en faveur des objectifs organisationnels.

Pour l’organisation communicante, la communication interne demeure vitale pour son développement et son existence même. Les relations publiques doivent favoriser la confiance et l’atteinte de buts communs parmi toutes les parties prenantes internes (des employés aux fournisseurs et contractuels, en passant par les bénévoles, par exemple).

Dans cette perspective interne, les professionnels doivent obtenir une rétroaction quasi constante pour :
  • connaître comment la communauté interne intègre, accepte et réalise la stratégie organisationnelle;
  • savoir comment les leaders et influenceurs internes collaborent et communiquent avec les autres parties prenantes;
  • comprendre comment les connaissances et les politiques sont partagées;
  • repérer comment les structures et processus sont reconnus, développés et améliorés;
  • identifier à quel point la réputation organisationnelle dépend en large part des actions prises par les parties prenantes internes.

La communication externe 

À cause de l’explosion des médias socio-numériques, entre autres, les organisations doivent examiner et ajuster leurs actions, leurs politiques et leurs comportements de communication dans le but d’améliorer leurs relations avec des parties prenantes dont la portée de l’influence est de plus en plus considérable.

L’organisation communicante doit donc développer des compétences pour entretenir et améliorer ses relations avec ses publics externes : clients, communautés, investisseurs, gouvernements, groupes de citoyens et médias, entre autres.

Dans cette perspective externe, les professionnels doivent :
  • s’assurer que la « voix » de l’organisation et ses intérêts soient pris en compte dans les délibérations et décisions des parties prenantes;
  • appuyer et conseiller toutes les autres fonctions organisationnelles dans l’élaboration de leur propre communication, dans le but de maintenir une compréhension mutuelle et bâtir des relations durables;
  • contribuer au développement et à la promotion de produits, de services et de tout autre processus visant à renforcer la valeur et la loyauté envers la marque;
  • soutenir diverses parties prenantes auprès de l’organisation en mettant sur pied des mécanismes pour assurer un dialogue constant dans le but de maintenir un capital social fort ainsi que la réputation organisationnelle.
Conformité et alignement de la communication interne et externe

Dans l’environnement complexe de la communication organisationnelle, avec des parties prenantes aux vues souvent divergentes, dans des contextes juridiques divers et des systèmes de valeurs qui le sont tout autant, l’organisation communicante doit s’assurer de la cohérence de ses messages. 

Dans ce contexte mouvant, baigné par des conflits d’intérêt réels ou potentiels, elle doit trouver un juste équilibre entre les exigences de la transparence, des demandes souvent pressantes et des ressources parfois limitées. 

Cela nécessite donc que la communication organisationnelle, avec toutes ses parties prenantes, soit coordonnée et alignée avec sa mission, sa vision, ses valeurs, ses actions et ses comportements.

Dans cette perspective d’alignement et de cohérence des messages, les professionnels doivent :
  • superviser le développement et l’élaboration des communications interne et externe en maintenant une écoute active, et en s’assurant  que l’identité de l’organisation soit présentée à travers des contenus cohérents ;
  • rechercher, développer, surveiller et ajuster les comportements de l’organisation, notamment au plan de ses communications ainsi qu’au plan de ses actions;
  • créer et alimenter un corpus de connaissances qui intègre les sciences sociales et humaines;
  • gérer et appliquer des méthodes de recherche pour mettre sur pied des programmes d’évaluation et de mesure dans un souci d’amélioration continu.
Les Accords de Stockholm présentent donc un ensemble de principes sur le rôle fondamental des relations publiques en communication organisationnelle, de la gestion stratégique des communications (interne et externe) à la gouvernance en passant par le développement durable et la gestion.  

Par ailleurs, ces accords soulignent aussi que le professionnel des relations publiques peut jouer un rôle à la fois politique (en fournissant des informations pertinentes -veille et monitoring - à propos d’enjeux divers) et un rôle contextuel. Ce dernier permet de faciliter la communication entre l’organisation et ses parties prenantes, dans le but d’accroître la qualité de leurs relations et par le fait même, de créer une plus grande valeur pour l’organisation même. 

Il va sans dire que les Accords de Stockholm ont jeté les bases fondamentales pour l’élaboration du Mandat de Melbourne, quelques années plus tard.


Merci de votre lecture !


Patrice Leroux

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