24 mai 2013

Cadre conceptuel et critique pour mieux comprendre la e-réputation (1)

Image: Simon Howden

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Pour aborder les enjeux de la réputation numérique (ou e-réputation), on peut examiner trois caractéristiques des relations publiques en ligne : la transparence, la porosité et le pouvoir de transformation (ce que les observateurs britanniques nomment agency1). 

Les membres de l’Institute for Public Relations (IPR) ont d’ailleurs été les premiers à proposer cette approche à partir des années 2000. Ces trois caractéristiques offrent un cadre conceptuel et critique que les professionnels peuvent appliquer aux médias socionumériques, autant pour la communication interne et externe2.

Identité, empreinte et image numériques forment la e-réputation

Postulons tout d’abord que la e-réputation est formée généralement par l’agrégation de l’identité, de l’empreinte et de l’image numériques, le plus souvent obtenue à travers les résultats des moteurs de recherche mais aussi à travers d’autres canaux du web. 

L’identité se construit donc à partir de contenus dont nous sommes les auteurs ou encore les curateurs : blogue personnel ou professionnel, fil Twitter, profil personnel sur un réseau socionumérique tel que LinkedIn ou Viadeo, par exemple. 

Pour sa part, l’empreinte numérique s’élabore de manière beaucoup plus flottante. Il s’agit de traces qu’on laisse sur des canaux qu’on ne maîtrise pas directement même si nous sommes les auteurs de ces traces : commentaire laissé sur un autre blogue, réponse ou intervention dans un réseau socio-numérique, critique d’achat sur un site de e-commerce, pétition en ligne, etc. 

Si ce type de contenu a plutôt tendance à s’évaporer ou à se faire oublier, d’un point de vue plus personnel, il n’en demeure pas moins retraçable sinon stockable. Le forage de données, data mining ou data refinery est déjà une industrie des plus florissantes3

Enfin, notre image numérique se façonne à partir de ce que les autres écrivent, disent et perçoivent de nous depuis leur propre identité ou empreinte numérique.

Du côté des entreprises, la e-réputation éprouve sensiblement les mêmes règles et en subit aussi les trois grandes caractéristiques. Selon des chercheurs du CIRANO4, « la réputation constitue à elle seule le plus important moteur de création ou de destruction de valeur ». 

Non seulement peut-elle lui conférer un avantage concurrentiel unique, elle peut également stabiliser ses états financiers et même prévenir une perte de valeur importante lors de turbulences économiques ou encore d’une crise. 

Alors que la e-réputation demeure confinée au web, le résultat final, au plan des perceptions, de l’image, de la valeur ou de la confiance, demeure pratiquement le même, au point où e-réputation et réputation se fondent en un seul tout. Ces chercheurs reconnaissent aussi une plus grande vulnérabilité à la réputation des entreprises à cause des médias socionumériques et de la vitesse de la couverture médiatique, entre autres. 

En effet, le rapport du citoyen avec l’entreprise a changé, parfois pour le bien, souvent pour le pire; presque toutes les entreprises se voient exposées «malgré elles, à des prises de position, à des avis de consommateurs, à des regards de concurrents. Tout se voit désormais sur la toile »5.  

Mais cette apparente transparence comporte en son sein quelques ambiguïtés, comme le soulignait Thierry Libaert6 dès 2003; elle sert de prétexte à des discours et à des actions souvent obscurs.

Tendance lourde du management contemporain, la transparence d’internet comprend plusieurs facettes. En premier lieu, la transparence dite volontaire, érigée dorénavant au rang de « valeur ». Il s’agit du processus par lequel une organisation accepte de transmettre des données, des informations et des connaissances à un vaste ensemble de parties prenantes. 

Poussée à l’extrême, ce type de transparence devient radicale7 ; tout est public et ouvert : processus décisionnel, versions et itérations de projets, entre autres. Il s’agit certes d’une approche qui séduit de nombreuses parties prenantes mais qui comporte aussi son lot de risques et de contraintes. 

En deuxième lieu, la transparence involontaire ou de facto : moteurs, répertoires, listings gouvernementaux ou d’associations auxquels il faut ajouter d’autres types d’agrégations et d’espaces médiatiques tels des blogues. On parle de vous sans que vous ne le sachiez nécessairement ; il s’agit donc d’informations disponibles ailleurs et dont vous ne maîtrisez pas le contexte. 

Habituellement, cette transparence de facto persuade les organisations à adopter les  médias socionumériques, sinon à y élaborer des mécanismes de veille. 

Enfin, la transparence dite contrôlée est souvent volontaire, mais parfois déguisée ou artificielle. Dans ce dernier cas, elle cherche à créer une impression de comportement spontané et relève de l’astroturfing ; il s’agit bien entendu, de l’antithèse de la transparence.

Références :

1 The death of Spin ? How the internet Radically Changes The Way Corporations Will Communicate, The Institute of Public relations, The Public relations e-Commission, April 2000.

Voir aussi : Transparency, Porosity and Agency (David Phillips, 2007). Consulté le 5 mai 2013.

3 How Big Data is Changing the Whole Equation for Business (S. Rosenbush & M. Totty). Consulté le 14 mai 2013.

4 La réputation de votre entreprise : est-ce que votre actif le plus stratégique est en danger ? (Nathalie de Marcellis-Warin et Serban Teodoresco, Rapport Bourgogne, CIRANO, avril 2012

5 Réputation des entreprises : la nouvelle donne des médias sociaux. Consulté le 2 mai 2013.

6 La transparence en trompe-l’œil (Thierry Libaert). Consulté le 12 mai 2013.

7 Voir la présentation de Christian Chalifour (La transparence radicale –TEDxQuébec- 4 février 2013). Consulté le 18 mai 2013. http://tedxquebec.com/tag/transparence-radicale/


Merci de votre lecture

Patrice Leroux

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